Cela fera bientôt 100 jours que Jacques Morand a pris ses fonctions de syndic de Bulle. Il confirme que l’Exécutif dispose d’une certaine marge de manœuvre, notamment en matière d’aménagement du territoire. Comme il l’a dit durant la campagne, la communication sera soignée. Et la population écoutée.
PAR JEAN GODEL
De conseiller général, Jacques Morand s’est retrouvé syndic, sans passer par la case conseiller communal. Egalement chef d’entreprise, le libéral-radical se préparait à une entrée en fonction difficile. Sans compter sa récente candidature à l’élection au Grand Conseil, l’automne prochain…
Or, après trois mois, le Bullois semble avoir pris ses marques: rythme de travail, organisation, ambiance au sein du Conseil, tout semble sous contrôle. Reste à faire le job et à répondre aux défis qui se posent à Bulle, notamment en matière d’aménagement du territoire. La Gruyère l’a rencontré pour la traditionnelle interview des cent jours.
Comment allez-vous?
Fort bien.
Et l’ambiance au sein du conseil?
Très bonne, je suis un syndic de Bulle heureux. Il n’y a pas d’animosité et, jusqu’à ce jour, toutes les décisions ont été prises sans que l’on sente de clivage politique.
Egalement à la tête de votre entreprise, comment ferez-vous en cas d’élection au Grand Conseil?
Le syndic d’un chef-lieu se doit de se présenter au Grand Conseil pour défendre les intérêts de sa ville et du dis-trict. Inévitablement, ce sera une charge supplémentaire. Je gérerai la chose comme je le fais maintenant: bien orga-niser son emploi du temps, trouver des solutions, déléguer. Syndic est quasiment un travail à plein temps, avec en moyenne une quarantaine d’heures par semaine. Mais ça se passe bien.
Vous étiez opposé à la professionnalisation du Conseil communal. L’êtes-vous toujours?
Je n’y suis pas opposé. Mais en le professionnalisant, nous ne serions plus dans le cas d’une charge politique de milice, mais d’un job à 100%. Cela nous priverait de toute une frange de personnalités, notamment les indépendants qui devraient quitter leur entreprise. Que se passera-t-il si la fonction de syndic ne leur plaît pas ou s’ils ne sont pas réélus?
Vous opposerez-vous du coup à cette professionnalisation, prévue pour 2021?
Non. Mais il y aurait peut-être des solutions à trouver pour offrir aux élus un temps d’adaptation.
Avez-vous été surpris par la complexité des dossiers?
Non. La complexité est toujours d’ordre administratif ou juridique, avec des lois, des normes, des règlements qui mettent des entraves, pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises. Ce qui fait que le politique ne peut plus forcément décider. Du coup, on se demande parfois si l’on a encore une utilité (rires).
Tout cela, au passage, plaide pour une commune unique en Gruyère. Car son exécutif aura une marge de manœuvre sur une plus grande partie du budget. Ce n’est peut-être pas la panacée, mais ne pas l’étudier nous fait prendre le risque de passer à côté de quelque chose de très important.
Vous êtes-vous senti rattrapé par l’inertie de certains dossiers? Autrement dit, devez-vous déjà renoncer à certaines actions annoncées durant la campagne?
Une marge de manœuvre existe. Mais pas pour tout et pas autant que souhaité.
En matière d’aménagement?
On peut faire quelque chose, mais on ne contrôle pas tout. Les terrains sont en mains privées et si tout est conforme au cadre légal, on est obligés de libérer le dossier. Cela dit, nous pouvons en bloquer un qui, par exemple, manquerait de cohésion.
Dans son programme, le PLR promettait une révision du Règlement communal d’urbanisme (RCU). Toujours d’actualité?
C’est un bon outil qui nous permet d’imposer certaines règles. La commune exige aussi de plus en plus de Plans d’aménagement de détail (PAD), même si un Mandat d’étude parallèle (MEP) suffit parfois. C’est un garde-fou important.
La Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions oblige à harmoniser les nouvelles constructions avec l’environnement bâti et paysager. Elle contient donc un objectif de qualité. Cet argument est-il jouable à Bulle?
Entièrement! On peut exiger un nouvel examen du projet, s’il le faut en élargissant le cercle des personnes impliquées.
Pourriez-vous demander de reprendre un projet dans le cadre d’une mise à l’enquête?
Oui, pour imposer un MEP voire un PAD. On peut le faire même pour une construction unique si celle-ci se trouve dans un ensemble méritant d’être pensé globalement.
Votre Conseil communal sera donc plus interventionniste dans la qualité de l’aménagement?
Très certainement. Je le dis sans préjuger de l’équipe sortante qui a agi en fonction des éléments alors entre ses mains.
La nouvelle gare ajoutera un pôle à Bulle. Que faire pour éviter l’isolement de la Grand-Rue?
Le danger est réel. C’est pour cela que la rue Rieter deviendra une artère principale piétonne qui reliera au plus court la nouvelle gare au centre-ville. S’ajoute à cela, en descendant la Grand-Rue, un grand espace piéton qui traversera le futur quartier de la Toula vers les centres commerciaux de la route de Riaz. Il les reliera avec les magasins, complémentaires, du centre-ville.
En matière de mobilité, le programme du PLR annonçait «des transports pour tous, tout le temps». Dans une ville qui explose, ne serez-vous pas contraint de faire des choix entre les modes de transport?
Ça dépend du périmètre. Si l’on parle d’une rue ou d’un quartier, on y viendra de toute façon. Mais mettre la priorité sur la mobilité douce et chasser tous les autres usagers de la ville est impossible. Nous sommes le chef-lieu du district et toute la Gruyère ne vient pas à Bulle à vélo. Chacun doit avoir le choix de sa mobilité. Le tout est de l’intégrer à l’ensemble, dans le respect des autres usagers et avec les contraintes existantes.
Quand, au Conseil général, j’ai déposé mon postulat sur les parkings, c’était dans le but d’étudier la faisabilité d’un parking souterrain au centre-ville et d’autres en périphérie, reliés entre eux par d’autres modes de transport.
Ce parking souterrain au centre-ville dont vous parlez est-il toujours d’actualité avec le futur parking de la gare?
Oui. A mon sens, les 200 places publiques supplémentaires sous la future gare seront insuffisantes. Car la gare constituera un lieu d’échange majeur avec le train et le bus. Si l’on veut une ville sans voitures en surface, il faut les mettre sous terre, mais près du centre.
Bulle offre de nombreuses places de travail, mais cela ne l’empêche pas de présenter certains aspects d’une cité-dortoir au vu de son aménagement. Dès lors, considérez-vous la culture comme un moyen d’améliorer le «vivre ensemble»?
La culture seule, je n’en suis pas convaincu. D’abord Bulle n’est pas une cité-dortoir et nous voulons encourager les gens à vivre et à travailler sur place, avec des commerces de proximité. Bien entendu, je ne suis pas opposé à la culture. Mais selon moi, il faut l’associer à l’offre en infrastructures sportives et de loisirs pour unir davantage les gens.
N’y a-t-il pas de place pour plus de lieux de culture dans une ville de bientôt 30000 habitants?
D’accord si vous parlez des activités culturelles et non des infrastructures en tant que telles. Donc oui, il y a de la place à Bulle pour plus de concerts et de théâtre. Mon collègue Nicolas Wyssmueller (n.d.l.r.: conseiller communal en charge de la culture) y est très attaché.
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«On va écouter les Bullois»
Où en êtes-vous dans le recrutement d’un chargé de communication?
On a reçu une quarantaine de candidatures. Et nous auditionnons les cinq finalistes demain (n.d.l.r.: mardi). J’espère qu’on aura fini le recrutement d’ici à la fin août pour une entrée en fonction avant la fin de l’année.
Mis à part ce communicant, il vous faudra aller au-devant de la population, pour tout lui expliquer et mieux…
Le politique doit communiquer, c’est sûr. La population attend quelque chose de nous. Pour cela, il faut préparer des messages compréhensibles par tous. Et notre communication doit être l’émanation du Conseil communal: nous devons définir ensemble ce que nous voulons dire. Ensuite, chacun peut bien sûr s’exprimer, personne n’est muselé.
Les Bullois ne veulent pas seulement être mieux informés, mais aussi mieux participer aux décisions, par exemple en matière d’aménagement…
On va les écouter. On prendra en considération leurs desiderata. Mais on ne pourra pas satisfaire toutes les demandes. Nous devons expliquer les solutions possibles en fonction des contraintes existantes.
Vous étiez un conseiller général très à cheval sur les dépenses. Or cette législature s’annonce dépensière. Etes-vous prêt à endetter Bulle?
Ce n’est pas investir qui pose problème, mais payer les charges de fonctionnement. Un investissement qui cause un million de charges par an, c’est 20 millions sur vingt ans, indépendamment des 10 ou 20 millions d’investissement. Si l’on réunit le CO3, le centre sportif et la RIE III, ça fait, à vue de nez, 15 millions de charges supplémentaires par an. Il faut donc espérer que les rentrées fiscales suivront.
Bulle n’est donc pas à l’abri d’un nouveau plan d’économies?
Non. Ce sera peut-être une option. Mais maintenons déjà le plan d’économies actuel.
Qu’avez-vous pu reprendre de votre expérience de chef d’entreprise?
Tout. Tout me sert dans mon travail de syndic. Les problèmes, je les ai déjà tous rencontrés dans mon entreprise. Profiter d’une telle formation est un immense cadeau. Au quotidien, je n’agis pas différemment: on discute, on décide et on y va, s’il le faut en réexpliquant pour que tous aient les bons éléments. On ne fera pas forcément tout juste au Conseil communal, mais on aura fait quelque chose.
Un rêve pour Bulle?
Je n’en ai pas. Si ce n’est rendre le plus grand nombre de citoyens le plus heureux possible, dans le vivre ensemble, en harmonie et dans la tolérance. JnG
Commentaires
JOSETTE RIme (non vérifié)
jeu, 14 jui. 2016
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