Cet été, à Fribourg, la langue de Molière s’apprend dans les parcs. Une expérience originale et conviviale, proposée par l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière.
PAR SOU'AL HEMMA
Grand-Places de Fribourg. A droite du restaurant Gemelli, une pancarte attire l’œil: cours gratuits de français. C’est par là. Au bout du parc, plus précisément. Sous les marronniers, une petite table côtoie deux chaises blanches en fer forgé. A leur gauche, quelques couvertures s’étendent sur l’herbe. Etiquette nominative collée sur la poitrine, 24 personnes s’apprêtent à pratiquer la langue de Molière pendant une heure et demie.
Cette occasion, elles la doivent à l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO Fribourg). C’est en effet elle qui a mis en place ce programme, en collaboration avec le secteur de la cohésion sociale de la ville de Fribourg et l’Espace enfants d’Espacefemmes.
L’objectif est simple: pallier l’interruption des cours de français durant l’été. Du 12 juillet au 25 août, les intéressés s’instruisent ainsi en plein air chaque mardi, mercredi et jeudi de 17 h à 18 h 30. Un concept qui s’inspire des modèles vaudois et genevois, lancés en 2014 et 2015. Et qui correspond manifestement aussi à une demande fribourgeoise.
Une chance pour tous
«Ils sont entre 30 et 40 par jour à vouloir s’inscrire», se réjouit Joël Gavin, directeur de l’OSEO Fribourg. Seul hic, le budget, comme le souligne Anne Leonardi, responsable de formation au sein de l’organisation: «Avec deux formateurs par soir, il a fallu limiter le nombre de places à 24.» En théorie.
En réalité, ils sont toujours davantage à participer. Et c’est tant mieux, selon Anne Leonardi. «Cela correspond à l’esprit du projet: rester le plus ouvert et flexible possible.» Un défi relevé à tous les niveaux.
Administratif, d’abord: prénom, nom et origine suffisent à l’inscription. Il est par ailleurs possible de suivre un seul ou plusieurs cours. Logistique, ensuite: les parents peuvent laisser leurs enfants de 2 à 8 ans à deux bénévoles défrayées d’Espacefemmes. Pédagogique enfin: «Notre démarche s’inscrit dans le système FIDE, précise Anne Leonardi.
Lancée en 2009, cette méthode d’enseignement vise à améliorer l’intégration linguistique des migrants et autres primo-arrivants. Elle privilégie l’oral et se base sur les besoins concrets des participants, en lien avec des situations du quotidien.»
De là découle une certaine complexité pour les formateurs. «Nous sommes sans cesse amenés à nous adapter aux différents niveaux, note Sylvie Jungo, formatrice de français à l’OSEO Fribourg. S’il n’est pas possible de se préparer, la dynamique s’avère cependant intéressante. Elle favorise la spontanéité.»
Mélanges improbables
Les formateurs se livrent donc à une performance de patience et de souplesse. Surtout lorsque, comme ce mercredi de juillet, les lourdes basses de la sono d’un groupe à côté couvrent la voix des élèves les plus timides. Peu importe, l’ambiance est légère et, ce jour-là, c’est le thème de la santé qui est abordé.
Mais pas seulement, car parmi les allophones se trouvent autant des requérants d’asile fraîchement arrivés que des expatriés de longue date et des étudiants de passage. Afghans, Erythréens, mais aussi Turcs, Brésiliens, Italiens ou encore Américains, les profils sont variés. C’est là tout l’intérêt d’une telle initiative: créer des mélanges improbables.
La fin du cours approche. Les participants sont ravis. Ils reviendront demain. Et ensuite? «L’idée est de leur donner envie de rejoindre un cours de français plus “classique” à l’issue de l’été», relève Joël Gavin. Quant à d’éventuelles prochaines éditions, elles restent, pour l’heure, tributaires de sources de financement pas toujours évidentes à trouver.
Commentaires
Pascale Michel (non vérifié)
jeu, 04 aoû. 2016
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