En ville de Bulle, le nouveau terrain de chasse, version 2.0

| mar, 02. aoû. 2016

L’application Pokémon Go a débarqué en Suisse le 16 juillet. Comme ailleurs dans le monde, son succès a été immédiat. A Bulle, beaucoup ont téléchargé le jeu et passent leurs vacances à chasser les Pokémon au centre-ville. Reportage avec quatre dresseurs expérimentés.

PAR CLAIRE PASQUIER ET FRANCOIS PHARISA

Bulle, vendredi après-midi. Sous un soleil de plomb, la queue devant le marchand de glaces s’allonge. Un peu plus loin, quatre jeunes hommes discutent gaillardement d’un sujet qui les passion-ne depuis quelques semaines déjà. Le smartphone toujours à portée de main et l’œil averti, ils sont prêts à prodiguer leurs conseils pour maîtriser le jeu phénomène du moment: Pokémon Go. La chasse aux Pokémon est lancée.


133 kilomètres à pied
Alors que les quatre adulescents, âgés de 20 à 28 ans, tapent la causette avec d’autres fanatiques, croisés devant un restaurant bullois, leur langage, complètement étranger aux non-initiés, interpelle. Les «Nosferaptis» se mêlent au «Pokéstop» et autres «points d’expérience» et «poussière d’étoile».
«Depuis le lancement du jeu, on chasse en groupe de trois à quatre fois par semaine», explique Joris Repond, journaliste à Radio Fribourg. Les jeunes hommes ont découvert le jeu lorsqu’un ami de retour du Canada leur montre l’application. «On ne pensait pas qu’on y jouerait», se souvient Joris Repond.
Depuis cette soirée du 13 juillet, c’est Quentin Ambrosini, étudiant en droit, qui a le plus avancé dans le jeu. «J’ai marché 133 kilomètres, me dit l’application et j’ai atteint le niveau 23», lance-t-il non sans une once de fierté. «En fait, tu n’as jamais autant bougé que depuis deux semaines», rigolent les autres. Des niveaux, il y en a 40. «Au fur et à mesure du jeu, il faut davantage de points pour les passer», explique Florian Genilloud, étudiant à l’EPFL.


Monuments historiques
Pour chasser, les compères sont unanimes, mieux vaut rester en ville de Bulle. D’ailleurs, il est désormais courant de voir des hordes de joueurs se précipiter dans la Grand-Rue, le soir venu. «Au Cabalet, il y a parfois jusqu’à 40 personnes à minuit», raconte Quentin Ambrosini. «La concentration de Pokémon est proportionnelle aux nombres de gens connectés sur les lieux», explique Brice Repond, lui aussi étudiant à l’EPFL.
Outre les Pokémon à attraper, d’autres éléments se pla-cent sur le chemin de tout bon chasseur qui se respecte. Par exemple, le Pokéstop. En d’autres termes, le distributeur de Pokéballs (nécessaires pour attraper les bêtes). «Les Pokéstops sont souvent des monuments historiques ou emblématiques de la ville. A Bulle, il y a le kiosque à musique ou encore le taureau», commente Florian Genilloud. «Je m’en sers à Paris, où j’effectue actuellement mon stage, pour découvrir des bâtiments qui me sont inconnus», intervient Brice Repond.


Mieux que Tinder
Pour eux, il n’y a que des aspects positifs au jeu. «C’est vraiment sociabilisant», insiste Joris Repond. «En somme, ça remplace Tinder (un site de rencontres)», plaisantent les autres. Brice Repond en veut pour preuve une soirée à Paris, où il a fini à 5 h avec des Bordelais.
Malgré le côté social, l’addiction est bien réelle. «Je sors de ma voiture, j’enclenche l’application. C’est devenu un réflexe», réalise Joris Repond. «Je suis sorti en pyjama sur la place de l’abbé Bovet un soir car il y avait un Pokémon rare», renchérit Quentin Ambrosini, provoquant l’hilarité générale du groupe.
Alors qu’ils se baladent dans le chef-lieu gruérien, les dresseurs manquent à trois reprises de traverser les zones 30 km/h sans faire cas des voitures qui passent. Les gendarmeries et même le jeu insistent pourtant beaucoup: il faut faire attention à son environnement extérieur.
Le jeu développe un aspect intéressant, jusqu’ici moins manifeste dans d’autres jeux vidéos: l’entraide. «On a créé un groupe sur Facebook pour se donner des tuyaux. Par exem-ple: j’ai attrapé un Crustabri ici à telle heure.»
Les garçons attendent impatiemment les mises à jour. «Il paraît que l’application n’utilise que 10% de sa capacité. Les combats dans les arènes seront notamment améliorés.» Pour eux, pas de doute, Pokémon Go sera bien plus qu’un feu de paille. «On se réjouit de voir la suite», conclut Joris Repond.

 

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Jeu envahissant et histoires insolites

Depuis quelques semaines, impossible de ne pas les avoir croisés. Ils arpentent parcs, rues et ruelles l’allure décidée et les yeux rivés sur leur smartphone. Eux, ce sont les chasseurs de Pokémon. Et leur quête de créatures virtuelles fournit en abondance le web et les journaux en faits divers et en anecdotes rocambolesques, alimentant les discussions entre «pokémophiles» et «pokémophobes» (oui, le monde des Pokémon a son propre langage). Sélection.
Il y a d’abord les fainéants. Ceux qui mènent leur traque assis derrière leur volant. Mauvaise idée. En France, deux jours seulement après le lancement officiel du jeu, deux accidents de la circulation ont été recensés, provoqués par l’inattention des chauffeurs qui étaient braqués sur leur petit écran. Chasser ou conduire, il faut choisir.
En Suisse, la SUVA a mis en garde contre les risques de cette chasse d’un nouveau genre: «Avancez prudemment, regardez les marches des escaliers, chassez de jour plutôt que de nuit.» Des conseils qui auraient bénéficié à ces deux Américains, tombés d’une falaise d’une vingtaine de mètres, alors qu’ils s’apprêtaient à capturer un Pokémon. Ils s’en sont miraculeusement sortis.


Rihanna et Mourinho
Mais l’inattention des joueurs fait aussi des «victimes» inattendues. Rihanna a récemment interrompu un concert pour gronder ses fans occupés à attraper des Pokémon. José Mourinho, nouvel entraîneur de Manchester United, aurait, lui, interdit à son équipe de jouer à «Pokémon Go» les jours précédant une rencontre. Parce que la cible doit rester le but adverse.
Pikachu et consorts apparaissent parfois dans des lieux inappropriés: sur le pare-brise d’un véhicule, dans une poêle à frire, sur les toilettes. Ils s’invitent partout. Sans prévenir. Même pendant un enterrement, debout sur le cercueil, même au Musée de l’Holocauste à Washington et même sur le front de guerre, près de Mossoul. «Daech, venez me défier à une bataille de Pokémon. Les mortiers, c’est pour les femmelettes», a commenté un militaire américain sur Facebook.


Racket et cadavre
Les Pokémon se montrent sous la tour Eiffel ou à Central Park, mais certains de leurs congénères préfèrent se cacher dans des lieux reculés. Dans le Massachusetts, un groupe d’adolescents l’a bien compris. Grâce au système de géolocalisation, ils repéraient les endroits peu fréquentés et attendaient les joueurs pour les dépouiller. La loi de la jungle, la chasse aux Pokémon. Aux Etats-Unis encore, une jeune femme a découvert un cadavre, en traquant les bestioles près d’une rivière.
Les grandes enseignes flairent le filon. Lors d’une action de promotion, un supermarché parisien a proposé à ses clients un «kit du parfait dresseur», soit une barre énergétique, un brumisateur, des pansements pour ampoules et une batterie portable. En Belgique, une mère de famille vante, dans une vidéo parodique, la «chasse aux verres de vin blanc» dans son quartier. Elle a appelé cela «Chardonnay Go».


Chasseur à plein temps
Le Néo-Zélandais Tom Currie, 24 ans, a quitté son emploi pour devenir «le meilleur des dresseurs». «Je travaille depuis six ans et j’avais besoin d’une pause. Pokémon m’a donné cette occasion», a-t-il sérieusement expliqué au Guardian.
Mais, il semble avoir été devancé par un certain Nick Johnson. Ce New-Yorkais de 28 ans est le premier à avoir attrapé tous les Pokémon disponibles sur le territoire américain (soit 142), après avoir parcouru plus de 150 kilomètres en deux semaines. Afin de mettre la main sur Mr Mime notamment, un Pokémon uniquement présent en Europe (allez savoir pourquoi), la chaîne d’hôtels Marriott a invité le jeune homme sur le Vieux Continent. Ce qui fait de lui un chasseur sponsorisé. Carrément. FP

 

 

 

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