Un chantier plutôt discret et pourtant très vertigineux

| mar, 23. aoû. 2016

L’assainissement des piles du pont sur le Javro avance à bon train. Un chantier qui ne paie pas de mine en surface, mais qui se révèle vertigineux une fois sur l’impressionnant échafaudage suspendu dans le vide. Reportage.

PAR JEAN GODEL

En surface, rien de particulier: le chantier d’assainissement des piles du pont sur le Javro, entre Crésuz et Val-de-Charmey, est réglé par des feux et du matériel occupe l’une des deux voies. C’est en dessous que ça se passe: suspendu au-dessus de la rivière, un impressionnant échafaudage accroché aux deux arcs donne accès aux 25 piles. Et là, vertige et frissons garantis! «C’est vrai que ce chantier est particulier par son côté aérien», sourit Erich Rauber, contremaître chez JPF. L’entreprise gruérienne a remporté l’offre, associée à Fasel échafaudages, à Bulle.
La complexité du chantier est aussi à souligner. Construit en 1950, ce pont-arc stratégique, unique accès à la vallée de la Jogne, a été élargi en 1999-2000. Ses piles avaient alors bénéfi-cié d’un simple assainissement de surface. Or, explique Patrick Buchs, chef de projet au Service des ponts et chaussées du canton (SPC), des fissures y ont été découvertes en 2010, lors d’une inspection. «On s’est demandé si l’alourdissement du pont, dû à son élargissement, ou la modification de son système statique étaient la cause de ces fissures. Mais les études ont montré que ce n’était pas le cas.»


Des as du béton
Le canton a alors mandaté le bureau TFB Romandie, grand spécialiste du béton en Suisse. Si aucune dégradation systématique du béton des piles n’a été constatée, un taux élevé de chlorures a été décelé par endroits: «C’est dû à l’épandage de sel», explique le Bullois Patrick Buchs, également chef du secteur surveillance et étude des ouvrages d’art du SPC.
Probablement non vibré lorsqu’il a été coulé en 1950, le béton assez poreux a offert de nombreuses portes d’entrée au sel. La corrosion a alors attaqué les armatures qui ont augmenté de volume et créé les fissures. Une étude poussée des 25 piles et de leurs 966 mètres carrés de surface a permis de déterminer les zones à assainir. «Les dégâts étaient très localisés, assure Patrick Buchs. Certaines piles étaient peu touchées, d’autres presque intégralement.»
La technique retenue a contraint à une grande précision l’entreprise Hubert Etter et Fils SA, à Vuadens, sous-traitant du consortium adjudicataire. Comme il s’agissait de retirer le béton altéré par hydrodémolition, il était impératif de ne pas ôter trop de matériau à la fois, le trafic étant maintenu durant le chantier. Chaque pile a donc été assainie petit bout par petit bout. Une fois le béton retiré et les armatures métalliques nettoyées, un mortier spécial a été appliqué. En bon état, les arcs porteurs n’ont quant à eux subi aucune intervention. Pour l’instant, le chantier n’a pas révélé de mauvaises surprises et le budget de 1,2 million, dont un bon tiers pour l’échafaudage, est tenu.


Le vide, juste en dessous
Après les explications dans l’Algeco, sur la terre ferme, une descente sous le pont s’impose. Vu du bord de la vallée, l’échafaudage impressionne par ses dimensions. Entièrement bâché pour éviter les projections, il récupère l’eau chargée de béton qui est ensuite traitée sur place avant d’être relâchée dans le Javro.
Une fois sur la «bête», le non-initié est pris de vertige. L’effet est imparable, tant le vide, là, juste en dessous de la fine planche d’aluminium qui ploie légèrement sous chaque pas, prend aux tripes. Impossible de ne pas se tenir fermement, des deux mains, aux rambardes couvertes de poussière de béton. Là où les deux arcs sont au plus haut, au milieu du pont, 60 mètres les séparent du Javro. «Quand le lac est haut, on voit d’ici de bons gros poissons», s’amuse Erich Rauber. Imperturbable, l’habitant de La Villette s’émerveille de ce pont-arc érigé bien avant la grande époque de la construction des autoroutes, dans les années 1960. Enfin compatissant, il avoue que travailler sur cet échafaudage n’est pas facile. «Le vertige, c’est normal ici. Il faut l’avoir, c’est une question de sécurité.» Et la peur? «Je n’ai pas peur, mais du respect. Cela dit, ce chantier n’est pas dangereux.»
Menuisier-charpentier de formation, Erich Rauber s’est vu proposer, il y a quelques années, des travaux spéciaux par JPF. «Il faut aimer ce côté aérien. Moi, ça me plaît. C’est chaque fois différent. Et puis c’est aussi assez technique: là, on est obligés de rendre une copie réussie à 100%.» Les futurs usagers du pont lui en seront reconnaissants.
Le public de la désalpe, lui, n’aura même pas à subir le chantier: le 24 septembre, les feux seront en effet retirés. Puis réinstallés pour la fin du chantier: il s’agira d’appliquer sur les piles une imprégnation hydrophobe et de démonter l’immense échafaudage. Entamés le 11 avril, les travaux prendront fin le 21 octobre. Durant sa phase de réalisation, ce chantier hors norme n’aura mobilisé que huit ouvriers.

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