Mon cher Mimile,
J’avais 15 ans. Je rentrais de la Gouglera, ce pensionnat singinois, où les familles «comme il faut» du Fribourg-romand envoyaient leur progéniture pour se frotter au Hochdeutsch et y subir une année de savoir-vivre à la suisse allemande. C’est que les sœurs d’Ingenbohl, excellentes enseignantes, n’avaient pas le sourire facile. Elles vous apprenaient à enfiler votre chemise sans dévoiler un millimètre de votre peau.
Les mœurs étaient rudes. On était encore bien loin de Dieucréalafemmeavec Brigitte Bardot et du BonjourTristesse de Françoise Sagan. La religion vous inculquait le sens du tragique, du regret, du remords. On écoutait les vieux, fumant la pipe devant leur maison, et les grandmères qui, tout en tricotant, priaient pour que l’orage épargne la maison; on…