PAR JéRÔME GACHET ET JEAN GODEL
A l’hôpital de Riaz, la rumeur s’est répandue dans les couloirs depuis plusieurs semaines. «De grosses inquiétudes planent sur la maternité. Va-t-elle fermer? Va-t-on revoir les prestations à la baisse? On sent que quelque chose se passe, mais on ne nous dit rien», lance Gaétan Zurkinden, secrétaire régional de la section Fribourg au Syndicat suisse des services publics (SSP). Une lettre a même été envoyée à Bernard Vermeulen, directeur médical de l’HFR.
Ce ne sont pas que des bruits de couloir. La Gruyère a en effet appris que l’avenir de la maternité de l’HFR Riaz se jouait en ce moment même: le conseil d’administration organise aujourd’hui une journée au vert. Au programme: trouver des solutions pour assurer le financement de l’HFR. Un système qui a changé avec le nouveau financement hospitalier introduit dans toute la Suisse le 1er janvier dernier.
Et les blocs opératoires?
A l’HFR, on reste vague sur la suite. Hier, lors de la conférence de presse sur le bilan 2011, ces questions ont été abordées par la bande. Même si certaines phrases lâchées ici et là sèment l’inquiétude. Comme l’intervention de Bernard Vermeulen au micro de la RTS: «A terme, il n’y a plus de tabou, et pas seulement pour la gynécologie-obstétrique. Est-ce qu’il faut garder des blocs opératoires à trois endroits? Est-ce que, en mettant des spécialistes ensemble, on ne gagne pas en disponibilité, en heures supplémentaires et en volume de travail? Ces questions doivent être posées.» Des questions jamais posées si brutalement.
C’est qu’avec le nouveau financement hospitalier, l’HFR se trouve dans une position délicate. Le futur du service de gynécologie-obstétrique de Riaz ne sera donc pas le seul à être débattu: la problématique est bien plus large. «Dans ce contexte financier nouveau, il faudra réexaminer toutes les activités sur tous les sites de l’HFR», a martelé hier le nouveau président du conseil d’administration Philippe Menoud.
Si, en marge de la conférence de presse, Philippe Menoud refuse de voir dans ces propos une façon de préparer la population du Sud à se séparer de la maternité de Riaz – «Je peux vous assurer qu’en l’état, aucune décision n’a été prise» – il reconnaît qu’une nouvelle solution est à l’étude: «Une structure avec une conduite unique, ce qui est quand même l’esprit de l’HFR, qui garantirait un service sur deux sites.» Une conduite dirigée depuis Fribourg.
Le président du CA met cette restructuration en lien avec le départ, au 30 juin prochain, de Philippe Bracher, médecin chef de la clinique de gynécologie-obstétrique de l’HFR Riaz. Sa démission, annoncée à l’interne en novembre dernier, a mis le feu aux poudres. Certes, deux mises au concours ont été lancées, mais aucune pour un médecin chef.
La maternité gruérienne n’aura-t-elle plus de responsable? Interrogée après la conférence de presse, la nouvelle directrice générale de l’HFR Pauline de Vos Bolay admet que le Dr Bracher sera remplacé comme médecin, mais pas comme chef: «Aucune prestation ne sera supprimée», précise-t-elle.
Les préfets réagissent
«Sur ce dossier, le black-out a été total en matière d’informations. Et si le service est dirigé depuis Fribourg, cela reviendra à réduire les prestations», estime Gaétan Zurkinden qui se désole que le personnel ne soit pas associé aux décisions.
Préfet de la Gruyère, Patrice Borcard assure qu’il ne restera pas les bras croisés. En compagnie de ses homologues veveysan et glânois Michel Chevalley et Willy Schorderet, il a adressé une lettre au conseil d’administration de l’HFR: «Nous sommes très inquiets, c’est vrai. Mais je tiens à ce que l’HFR en prenne connaissance avant de la divulguer à la presse.»
Plusieurs interlocuteurs s’interrogent aussi sur la nouvelle orientation prise par la maternité de Fribourg depuis l’arrivée du Dr Anis Feki en octobre 2011. Ce dernier souhaite en effet y développer plusieurs activités notamment dans le secteur de la médecine reproductive. On craint que ces nouvelles tâches privent Riaz de moyens.
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L’annonce de temps difficiles
Dernier exercice de l’HFR sous l’ère du directeur général Hubert Schaller – Pauline de Vos Bolay lui a succédé au début de ce mois – le bilan 2011 de l’Hôpital fribourgeois a été qualifié d’équilibré, hier, en conférence de presse. Et ce, malgré une activité hospitalière accrue. Les charges se sont montées à 420,2 millions de francs (+7,9% par rapport à 2010), soit 10,3 mio de plus que prévu au budget. Les recettes ont suivi la même courbe grâce à la hausse de l’activité hospitalière ambulatoire (95,3 mio de recettes, soit 7 mio de plus que prévu au budget). L’activité en stationnaire a compensé le solde. Au final, les comptes bouclent sur un bénéfice de 358000 francs.
Le secteur ambulatoire est donc en forte progression – +10,9% en termes de points TARMED. Le nombre de consultations a grimpé à 65816 (+2385 par rapport à 2010). Pour le seul HFR Riaz, la hausse est de 435 à 15312. L’activité stationnaire, elle, est stable à 20487 patients (+176). A noter que la maternité de l’HFR Riaz a enregistré 678 sorties (679 en 2010) contre 649 à celle de l’HFR Fribourg (684 en 2010).
Les effectifs sont en hausse avec 2120 équivalents plein temps (+88 par rapport à 2010), ce qui représente 2871 personnes. Les femmes représentent 74,3% des effectifs.
Echec des négociations tarifaires
Au niveau médical, abstraction faite de la crise au sein de la clinique de gynécologie-obstétrique de l’HFR Fribourg (l’analyse de la gestion des événements est encore en cours), la numérisation des systèmes d’information médicale s’est poursuivie avec, entre autres, la mise en place du dossier patient informatisé à l’HFR Riaz.
Bernard Vermeulen, directeur médical, a aussi insisté sur «l’énorme effort» fait sur la formation (4300 journées de formation organisées), un engagement jugé indispensable face à la pénurie annoncée de médecins et de personnel soignant. Enfin, divers projets voués à la qualité et à la sécurité des soins sont en cours, avec, en ligne de mire, la standardisation et l’amélioration des processus sur tous les sites de l’HFR.
Mais, en 2011, le «gros morceau» aura été la préparation à l’introduction, le 1er janvier dernier, du nouveau financement hospitalier dont l’un des points forts est la fin de la garantie de déficit par l’Etat. Le nouveau président du conseil d’administration Philippe Menoud a joué franc jeu: «Rien ne se fera dans la facilité, le sujet gagne de jour en jour en inquiétude en Suisse et le défi est spectaculaire.»
Pour illustrer son propos, il a rappelé l’échec des négociations tarifaires avec les assureurs. Ainsi, le coût moyen d’un patient, estimé à 10770 francs par l’HFR, a été ramené à 10150 francs par le Conseil d’Etat, chargé de trancher, alors que les assureurs le fixaient à 9750 francs.
Multipliée par le nombre de cas, cette différence donne un manque à gagner annuel de l’ordre de 15 millions, a révélé Philippe Menoud. «Cela montre que l’HFR coûte plus cher que la moyenne suisse, a ajouté Pauline de Vos Bolay. Il s’agira d’identifier les raisons d’un tel écart.» Signe de ces difficultés, le budget 2012 de l’HFR devait être adopté mercredi après-midi dans sa… dixième mouture par le conseil d’administration. JnG
Commentaires
oskar (non vérifié)
mar, 01 mai. 2012
Didier Castella... (non vérifié)
jeu, 26 avr. 2012
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