PAR CHRISTOPHE DUTOIT
Le 4 février 2012, le Musée gruérien de Bulle vernissait sa nouvelle exposition permanente après dix-huit mois de travaux. Une année plus tard, La Gruyère tire le bilan de cette première année d’ouverture avec sa directrice Isabelle Raboud et son conservateur Christophe Mauron.
La fréquentation
Isabelle Raboud: «Grosso modo, on a doublé la fréquentation. On atteint presque les 23000 visiteurs, auxquels il faut ajouter ceux de l’exposition de Claude Genoud au rez, estimés à environ 1500. La moitié provient du canton de Fribourg, le reste se répartit entre les autres cantons suisses et les touristes étrangers. Les horaires d’ouverture élargis ont sans doute joué un rôle. En outre, la fréquentation devient très irrégulière. Certains jours de décembre, on a eu deux visiteurs et, le lendemain, ils étaient 250. On ne sait pas pourquoi les gens viennent de façon si imprévisible. Le personnel est mis à rude épreuve, car il est soit débordé soit demandeur de travail.»
Les élèves
On a accueilli en moyenne 300 élèves par mois (soit plus de 3000, dont plusieurs classes alémaniques). Nous avons fait beaucoup de travail avec nos guides, le personnel de l’accueil et les enseignants, pour préparer une offre intéressante. Un gros effort a été réalisé pour que les enfants aient un rapport privilégié avec l’objet. Ce qui justifie qu’ils se déplacent au musée et qu’ils ne se contentent pas uniquement d’internet. On sort des objets, on permet de regarder de près, on fait des démonstrations. Ce travail porte ses fruits.»
Christophe Mauron: «On est aussi en contact avec des enseignants du secondaire et du collège. Le but est de mettre le musée au programme de l’école. La nouvelle exposition s’y prête bien et nous essayons de faire correspondre les visites guidées avec les degrés HarmoS, de traduire l’exposition dans le langage des enseignants pour qu’elle colle à leur programme.»
Les visites guidées
Isabelle Raboud: «Nous avons organisé environ 200 visites guidées, soit trois fois plus que les années précédentes. On ne s’y attendait pas forcément, car notre objectif était de faire un musée qui se visite tout seul. Cependant, les gens aiment bien qu’on leur explique les choses. Pas mal d’entre eux sont revenus avec des groupes après une première visite individuelle. Le Musée gruérien est devenu un bon plan pour une excursion…»
L’attitude des visiteurs
Isabelle Raboud: «Les visiteurs passent beaucoup de temps dans l’exposition. Au début, ça nous a posé des difficultés certains dimanches, car il finissait par y avoir beaucoup de monde dans le musée. On a renforcé l’accueil ces après-midi-là. Les gens de la région consultent énormément les albums de photos, ils piochent dans la documentation, ils discutent entre eux. Dès l’ouverture, certains nous ont dit: «Ah! Je suis soulagé!» Car ils avaient peur de l’inconnu. Mais nous n’avons pas changé l’histoire de la Gruyère, nous ne l’avons pas déguisée. On l’a seulement remise en scène et les visiteurs apprécient.»
Le marketing
Isabelle Raboud: «On a essayé de ne pas dépenser trop d’argent, car on a profité d’une belle couverture rédactionnelle. Depuis novembre, nous participons à une action RailAway avec les CFF. Nous avons eu douze retours pour le moment… On touche là les points plus difficiles, à savoir le public alémanique. Toute l’exposition est traduite en allemand. Avec le RER, on est à cinquante-cinq minutes de Berne. Mais on n’a presque pas vu de Bernois. Il reste un immense potentiel de ce côté-là. Nous sommes inconnus en Suisse allemande et nous avons de la peine à figurer dans leurs médias.»
Christophe Mauron: «Même l’exposition temporaire sur Hans Steiner n’a pas attiré les Alémaniques! Il faudra fatalement investir dans des vraies opérations de communication pour toucher le grand public. Nous bénéficions d’une belle notoriété, mais elle ne fait pas encore venir les gens. Un des buts dans le futur est de rendre les parois du musée transparentes. Pour que les gens voient ce qu’il se passe à l’intérieur.»
Isabelle Raboud: «Notre exposition est en équilibre entre trois éléments, à savoir l’image de la Gruyère traditionnelle, qui fonctionne comme un hameçon, l’envie d’en sortir et de montrer une autre Gruyère, et, le troisième, de dire au public que nous sommes un lieu de convivialité pour lui. L’image qu’on donne à l’extérieur est parfois trop compliquée.»
Les touristes
Isabelle Raboud: «Nous avons fait le plus mauvais mois d’août depuis une dizaine d’années, en ne dépassant pas la barre des 1000 personnes. Avec une nouvelle exposition, ça pose quand même des questions… Lors de leur passage en Suisse, les touristes étrangers ne visitent que quelques endroits, les plus importants, comme Chillon, Gruyères, la chocolaterie, Lucerne… Un Musée gruérien qui n’est pas à Gruyères, c’est déjà compliqué pour les Chinois!»
Les synergies
Isabelle Raboud: «La chocolaterie de Broc ou la Maison du Gruyère profitent à la notoriété de la région. Toutefois, ceux qui vont à la Maison Cailler n’ont pas le temps de s’arrêter chez nous. La complémentarité n’est pas encore suffisamment fonctionnelle. On a passablement discuté de mettre en place un réseau de transports publics entre Gruyères, Broc et Bulle. Des améliorations ont été apportées et la nouvelle direction des TPF est assez ouverte. Mais la réalisation se met lentement en place.»
Le parking
Isabelle Raboud: «L’un des points négatifs est la difficulté du parking pour l’accès à la bibliothèque, qui a connu une baisse du nombre de prêts en 2012. On ne pourra pas transformer le toit du musée en places de parc. Le public doit trouver d’autres astuces pour venir chez nous.»
Le rez-de-chaussée
Isabelle Raboud: «Il faut repenser le fonctionnement du rez. Cette année, on est passés par les deux excès: un espace vide durant six mois, certes pratique pour recevoir des groupes, et une exposition de Claude Genoud qui remplit tout l’espace et empêche l’accès à la cafétéria. Il faut trouver un modus vivendi, sachant qu’on ne va pas agrandir le bâtiment. Il faut laisser davantage d’espace à la convivialité et à l’accueil des visiteurs.»
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Poyas et costumes au programme
Les prochaines expositions
Isabelle Raboud: «Au rez, on se concentrera sur des accrochages plus légers. On mettra vraiment l’accès sur les expositions au sous-sol. Notre programme est fixé jusqu’en 2017, avec, en principe, une exposition plus importante sur la période estivale, puis une à deux sur la période hivernale. Il restera toujours de la place pour des petites folies, comme celle pour les vingt ans d’Ebullition. Car, on n’est pas complètement hermétiques à l’actualité.
»En mars, on va monter une exposition sur la poya en parallèle à la Poya d’Estavannens, puis, en novembre, sur le vêtement et les costumes en partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Fribourg. Ce sont les thèmes que le public attend au Musée gruérien. On peut leur donner de la profondeur, sans oublier de gratter pour voir ce qui se cache derrière.
»Une publication en deux volumes est prévue autour de la poya, ainsi qu’un Cahier du musée sur le thème du vêtement et un catalogue pour l’exposition Dress code. Enfin, le musée sera présent au Comptoir gruérien sur un stand partagé avec l’Association du sentier du lac de la Gruyère.»
Le parcours en ville
Christophe Mauron: «Bulle s’assume de plus en plus comme une ville. L’idée de visites commentées en ville existe depuis longtemps à Bulle, c’était notamment une spécialité de Denis Buchs, l’ancien directeur. En avril, nous allons concrétiser un projet de parcours en ville en partenariat avec La Gruyère Tourisme et le programme Enjoy Switzerland. Nous publierons un prospectus, disponible au musée et chez tous les commerçants, avec des informations sur les quinze sites choisis, où figureront des plaques descriptives.
»En parallèle, un site internet et une application mobile seront créés pour en savoir davantage et des visites commentées pour les groupes seront organisées, en français, en allemand et en anglais. Nous avons un budget de 20000 francs, sans compter le travail de documentation fourni par le musée.» CD
Commentaires
Un Ressortissan... (non vérifié)
ven, 18 Jan. 2013
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