PAR PRISKA RAUBER

«On roule à 80 km/h et on se fait sans cesse dépasser.» Jean-Marc Beaud, syndic de Haut-Intyamon, confirme. Lui que plusieurs citoyens ont interpellé lors de la dernière assemblée communale à propos des «chauffards, d’ici et d’Enhaut, qui empruntent les routes de l’Intyamon».
Il suffit de s’attabler aux bistrots de la vallée pour entendre les désolantes anecdotes que chacun a en stock. «Au milieu du village d’Enney, ma femme traversait sur le passage clouté, raconte Claude. Une voiture s’est arrêtée pour la laisser passer, mais celle qui suivait l’a dépassée, manquant mon épouse de peu! Non, c’est plus possible…» Et le syndic des lieux, Roland Kaeser, de relever lui aussi «un nombre important de malhonnêtes. Plusieurs fois par jour, des automobilistes traversent Enney à 80 km/h plutôt qu’à 50 km/h.»
Et ce n’est pas une chaussée enneigée, voire gelée, qui peut les arrêter. «Ils dépassent le camion n’importe où, parfois même par l’îlot central, à contresens», témoigne Jacques, un chauffeur qui déneige et qui sale régulièrement les routes de l’Intyamon. «Il y a vraiment des sauvages, sans aucun égard. Je vais demander à un flic de venir avec moi, un jour.»

Prévention routière
Les flics justement. Ils avaient lancé une campagne de prévention sur ce tronçon, en 2006. Un constat alarmant les y avait poussés: de 1996 à 2005, 197 accidents ont eu lieu entre La Tour-de-Trême et Montbovon, avec 154 personnes blessées et 14 décédées, indiquait à l’époque Roger Marchon, alors chef de la gendarmerie du Sud fribourgeois. Les vitesses enregistrées durant l’action ont atteint 88 km/h à l’intérieur d’une localité et 133 km/h à l’extérieur.
Mais si les automobilistes ont levé le pied quelques mois devant les fanions, affichent et radars mobiles, ils ont vite repoussé sur le champignon, notent les habitants sondés. Pourtant, les efforts sont constants à cet endroit, indique le chef actuel de la gendarmerie du Sud fribourgeois, Jean-Jacques Reynaud. «Des contrôles radars ont lieu régulièrement, notamment en été, quand les conditions sont bonnes pour les hautes vitesses.»
D’ailleurs, les chiffres en témoignent. Depuis l’action, nettement moins d’accidents sont survenus sur le tronçon: depuis 2006, la police en a dénombré 51 (une dizaine en moyenne par année), avec 66 blessés et 3 personnes décédées.

Amendes salées
Certes, attestent les habitants qui, comme Anne-Françoise, aperçoivent périodiquement les chauffards choppés devant l’auberge d’Enney. «Cela dit, une présence policière encore plus importante améliorerait peut-être la situation», estime Jean-Marc Beaud. L’appel est lancé. Mais surtout, comme tous, il aimerait pouvoir compter sur «l’éducation et le savoir-vivre de chacun. Il faut que les gens respectent la loi, c’est tout, c’est simple.» Car la solution ne passera pas par des ralentisseurs tels que gendarmes couchés ou rétrécisseurs, indiquent les deux syndics.
Nicolas, d’Enney, passablement désillusionné, propose quant à lui une solution radicale: «Il faut augmenter drastiquement les amendes. Au moins 2000 balles pour 10 km/h de trop. Si tu te prends ça dans les dents, je peux te dire que tu dépasses la limitation une fois, et puis, plus jamais!»

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6000 véhicules par jour
Le tronçon La Tour-de-Trême/Montbovon se prête aux excès, avec sa large chaussée souvent rectiligne. Autouroute, H189 et vallée de l’Intyamon représentent «un bon couloir vers le Pays-d’Enhaut et ses sites touristiques», relève Denis, un habitant de Villars-sous-Mont.
Il est vrai que la route est fréquentée: selon les comptages réalisés l’an passé à la hauteur de Villars-sous-Mont par le Service des ponts et chaussées, quelque 6000 véhicules empruntent chaque jour ce tronçon. A Montbovon, ils sont encore 4300 à circuler, contre 3700 lors du dernier comptage effectué en 2005. C’est l’effet H189, qui apporte son lot de bolides immatriculés sur Vaud, Genève et Berne, «évitant le col des Mosses, surtout en hiver», estime encore Denis. PR