Petar Aleksic, coach acharné: «Je suis un guerrier fou»

| sam, 01. mar. 2014
Fribourg Olympic dispute ce samedi à Montreux la demi-finale de la Coupe de la Ligue. Son charismatique et vociférant nouvel entraîneur Petar Aleksic se raconte. De la guerre en ex-Yougoslavie au bonheur familial.

PAR KARINE ALLEMANN

Petar Aleksic est le genre d’entraîneur que les joueurs suivront vers n’importe quelle bataille, certains qu’il saura les mener à la victoire. De la guerre qu’il a douloureusement vécue en ex-Yougoslavie, l’entraîneur de Fribourg Olympic a appris que la vie peut être dure. Que les coups tombent, comme ces bom­bes meurtrières, sur Belgrade, alors qu’il y était étudiant. Déterminé à se relever de tout, Petar Aleksic commence par ne jamais baisser les bras.
Cette exigence, ce tempérament absolu du gagneur et une foi inébranlable dans le travail, incarnés ô combien par l’entraîneur d’origine bosniaque, ont permis à Fribourg Olympic de réaliser une superbe première moitié de saison. Qualifié pour la finale de la Coupe de Suisse, le 12 avril à Fribourg, le club de Saint-Léonard dispute ce week-end à Montreux les finales de la Coupe de la Ligue.


«Rigoureux dans ma foi»
Dans son bureau de Saint-Léonard, où il nous reçoit après l’entraînement, Petar Aleksic commence par embrasser les images de la Vierge et les petites statuettes posées sur son bureau. «Vous connaissez les icô­nes? Je suis orthodoxe et très rigoureux dans ma foi. Je suis reconnaissant que moi et mes joueurs soyons en bonne santé et que nous vivions de tels moments.»
Naturalisé suisse il y a quel­ques années, Petar Aleksic est né le 2 novembre 1968 à Trebinje, petite ville de Bosnie-Herzégovine. A l’époque, on aurait écrit petite ville de Yougoslavie. Excellent footballeur, le jeune garçon remporte aussi une compétition d’athlétisme sur 800 m. Ce sera son premier succès sportif. «En 1991, un grand tournoi national juniors a été organisé dans ma ville. J’avais 12 ans quand j’ai découvert le top niveau du basket. Certains de ces joueurs sont ensuite partis en NBA ou sont devenus les meilleurs basketteurs d’Europe. J’ai été fasciné.»
Le virus est inoculé. «Après ça, je suis allé trois fois au stade de foot avant d’oser dire à mon entraîneur que j’arrêtais. Tous mes cousins jouaient au basket et l’équipe nationale de Yougoslavie était très forte. J’ai pensé que ce sport me permettrait de devenir professionnel, comme eux. Qui sait, peut-être que ça aurait été le cas avec le foot aussi? Mais je ne regrette pas mon choix.»
A 19 ans, Petar Aleksic entame sa carrière professionnelle en première division yougoslave. En 1991, il joue à Zagreb quand la Croatie déclare son indépendance. «J’ai dû quitter la ville avec juste deux sacs dans les mains. Au final, cela m’a beaucoup appris. J’ai connu plein de moments difficiles et j’ai dû me battre à chaque fois. J’ai la chance de faire partie des gens qui ont obtenu quelque chose dans la vie grâce au basket. J’essaie d’apprendre ça à mes joueurs.»
A Saint-Léonard, l’alchimie se fait très vite. Alors que beaucoup prédisaient une saison difficile, Fribourg Olympic présente un jeu attractif. La patte Aleksic? De l’intensité, beaucoup d’intensité, et un jeu ultracollectif. «Le jeu te donne toujours cinq minutes pour gagner un match. Même face à un adversaire plus fort, si tu manages mieux que lui ces cinq minutes, tu gagnes. Personnellement, je ne crois qu’en la responsabilisation individuelle. Même si le basket se joue de manière collective à cinq contre cinq, tout commence individuellement. La clé est de contrôler toutes les situations.»
Avec Petar Aleksic, digne descendant de l’école yougoslave de Zeljko Obradovic, le meilleur entraîneur d’Europe, tout se travaille minutieusement. Et chaque joueur a un rôle à tenir. «Au début de la préparation, je leur ai dit: “Soit vous prenez vos responsabilités, soit vous vous asseyez sur le banc”. C’était dur, parce qu’ils avaient l’habitude de toujours chercher le joueur étranger.»
Volubile, explosif et très expressif au bord du terrain, l’entraîneur bosniaque vit à grands renforts de gesticulation les matches et les entraînements. Mais, s’il hurle beaucoup, il termine toujours par une tape dans la main de ses joueurs.
Un signe d’affection, presque d’amour. «Il faut maintenir une pression sur les joueurs, sinon ils ont tendance à vite se trouver des excuses. Mais ils savent qu’en cas de besoin je serai toujours le premier à leur tendre la main.»
Cette confiance réciproque entre les joueurs et l’entraîneur sublime l’équipe. «Il faut que les joueurs me pensent capable de les mener à la victoire, de trouver des solutions, même quand la situation est compliquée. Et je dois avoir confiance en eux. Une équipe, même jeune, peut vite perdre confiance. Si je commence à me plaindre et à dire que les joueurs ne sont pas bons, on va perdre encore. Et là, c’est fini pour moi.»


Fragile aussi, parfois
Du haut de ses deux mètres, Petar Aleksic a la posture fière de l’homme habitué à diriger. On lui demande s’il lui arrive de pleurer. «Quand je perds un match», plaisante-t-il, avant de devenir plus grave. «En fait, je suis un émotionnel, un guerrier fou… Selon les situations, je peux me renfermer, ou me montrer fragile. J’ai perdu mon frère et ma mère, alors…»
L’entretien est terminé. Il embrasse une dernière fois ses icô­nes et range son ordinateur et ses notes dans un vieux sac à dos. Poli et prévenant, mais très investi dans son travail, Petar Aleksic aura souri deux fois: au moment de dire bonjour, et au moment de dire au revoir. Son regard se fait tendre quand il sort du bureau. Ses fils Nikola et Mar­ko l’attendent dans le couloir.

 

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La Ligue, c’est bon pour le moral


Vous vivez ce week-end votre première grande échéance, avec les finales de la Coupe de la Ligue à Montreux.
Cette compétition est moins importante que le championnat et la Coupe de Suisse. Mais elle permettra au vainqueur de poursuivre la saison avec le plein de confiance.

Cette saison, vous avez battu Neuchâtel, votre adversaire en demi-finale, parce que vous avez été collectivement bien meilleur. Est-ce la clé?
Le principal problème, contre cette équipe, est de contrôler le rebond et les un contre un de certains joueurs. Ils ont de très bons éléments, notamment un nouvel Américain, et un très grand budget. Ça va être difficile et on doit être prêt à jouer dur. Garder le contrôle de nos émotions et contrôler le tempo du jeu. Ce sera la clé.

Personne n’attendait Fribourg Olympic aussi bien cette saison. Qu’est-ce qui a fait votre succès?
Je suis arrivé à Fribourg très tard à cause de l’équipe de Suisse. Il y avait alors deux problèmes: le club n’avait pas d’argent et je n’avais pas choisi les joueurs. Mais j’ai dit OK, pas de problème. Je suis ici, je vais bosser. Etape par étape, on a progressé. Avec de la chance, le calendrier nous a mis sur le bon rail, car nous avons gagné nos deux premiers matches contre des équipes qui ne sont pas au top (Massagno et Boncourt). Personne ne croyait en nous. Mais, pas à pas, en travaillant très dur, les joueurs ont pu prouver qu’ils étaient de bons compétiteurs. Ils sont derrière moi et, de mon côté, je travaille avec eux physiquement, individuellement, mais aussi mentalement. Au point que nous avons une grande première partie de saison derrière nous. Il reste trois mois pour la finir. KA

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