PAR PRISKA RAUBER
On disait, jadis, qu’on pouvait juger le paysan à son tas de fumier. Imposant, il était synonyme de grand troupeau. Au carré, il signifiait paysan méticuleux. Ou alors, avec des filles à marier. «Seau bien lavé, couloir bien torché, fumier au carré égal fille à marier!» Aujourd’hui, rares sont les agriculteurs qui réalisent ainsi leur tas de fumier. Mais au-delà du fait que ce savoir-faire ancestral se perd, c’est le fumier monté au carré qui garde le mieux ses propriétés fertilisantes, souligne l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Selon nos informations, il s’est associé à l’Office de l’environnement (OFEV) – dont l’une des missions est de gérer et préserver les ressources naturelles – pour pousser tous les paysans du territoire à monter leur tas de fumier au carré.
«Un bon fumier de ferme est le premier engrais et le fondement le plus solide d’une agriculture productive», souligne l’OFAG. Donc un engrais «à ne pas sous-estimer». «Pour faire une agriculture féconde, il faut absolument restituer au sol les éléments nutritifs prélevés par les plantes, et préparer un bon fumier, aussi riche que possible en substances fertilisantes.» Or, regrettent l’OFAG et l’OFEV, un tas de fumier négligé, soumis à la pluie et au soleil, devient la proie des moisissures et perd une importante part de sa valeur nutritive.
Pas plus de temps
L’humus, ou «beurre noir», est en effet très soluble à l’eau. Il faut donc éviter que la pluie ne l’emporte. Ce qui arrive plus facilement lorsque le tas est biscornu, car il offre ainsi davantage de surface aux éléments naturels. Les agronomes conseillent alors de «le maintenir au même niveau que les bords, chaque fourchée bien éparpillée, litières et excréments intimement mélangés, et de presser chaque nouvelle couche afin d’éviter la pénétration de l’air». Autrement dit, de monter son tas de fumier au carré.
Pour que les agriculteurs, puissent disposer d’interlocuteurs disponibles et spécialisés, la Confédération a créé l’Office fédéral des fumures uniformisées au carré (OFFUC). «Tout le monde y gagnera au final, commente son responsable, Bruce Bovet. Je sais que chez vous en Gruyère, on trouve encore quelques paysans qui procèdent de la sorte, notamment à La Roche. Et je vous assure que d’après eux, cela ne prend pas beaucoup plus de temps. Alors que le gain pour les ressources est majeur.»
Du côté des premiers intéressés justement, deux sons de cloche. Edmond Castella, de Pringy, qui avoue ne pas encore porter grand soin à son tas de fumier, est prêt à suivre à la lettre les recommandations de l’OFFUC. «Si ça peut être bénéfique pour nos sols, alors pourquoi pas. C’est vrai que ça ne devrait pas nous prendre trop de temps de monter nos tas au carré.» Par contre, pour Bertrand Pharisa, établi à Epagny, la Confédération commence vraiment à lui «taper sur le système, à sans arrêt trouver de nouveaux moyens de nous contraindre. Je vais bien manger et aller à Berne leur en faire un beau, moi, de tas!»
Ajouter un commentaire