La récente visite du loup en Gruyère a réveillé défenseurs et ennemis de l’animal. Entre les deux, il y a les biologistes qui gèrent sa présence et sa délicate coexistence avec animaux sauvages, de rente, biodiversité et chasseurs. Le point sur quelques inquiétudes légitimes.
PAR PRISKA RAUBER
Le dernier loup du canton a été tiré en 1837. A une époque où le cerf avait disparu du paysage suisse, où la chasse était fréquente pour nourrir les familles nombreuses et pauvres, donc une époque où les chevreuils venaient à manquer et où le loup s’attaquait aux animaux de rente. Puis l’économie s’est améliorée, la chasse a diminué, la population de chevreuils a augmenté et le cerf s’est réinstallé. Naturellement, le loup qui n’avait jamais disparu d’Italie ou des pays de l’Est, protégé par la Convention de Berne, a suivi ces grands ongulés et s’est retrouvé en Suisse au début des années 1990. Ramenant avec lui ses contes et légendes.
Du haut de sa vision globale de la faune, de la biodiversité et de la chasse, Marc Mettraux, chef de ce secteur au Service cantonal des forêts, démêle le vrai du faux. Non, le loup n’est pas un agneau, ni la bête du Gévaudan. Le loup est un loup. Un animal sauvage qui pourrait s’attaquer à l’homme s’il n’y avait plus de cerfs, mais qui préfère les cerfs.
Le loup a été réintroduit
«Faux. Jamais aucune analyse n’a retrouvé la présence de médicaments,
de vermifuge en particulier, qui prouverait que l’animal était parqué puis a été relâché», indique Marc Mettraux. Et de préciser que les analyses ADN du loup aperçu à Bulle sont attendues pour la mi-mars. «S’il n’y a pas de traces de médicaments, cela voudra simplement dire que c’est un loup sauvage.» Le retour naturel du loup est aussi confirmé par l’étude des mouvements de population des loups italiens. Son statut d’espèce strictement protégée a favorisé son essor démographique. «Il a naturellement suivi le cerf, qui a recolonisé la Suisse.»
Cette idée de réintroduction frau-duleuse est entretenue et propagée par les ennemis du loup. Selon l’idée qu’un loup réintroduit pourrait, contrairement à un loup sauvage, ne pas être protégé et, du coup, abattu. Mais selon la Convention de Berne, seuls les loups en captivité ne sont pas protégés.
Le loup va proliférer
Faux. Le loup va s’implanter là où les conditions cadres de son biotope sont remplies, mais il ne peut pas proliférer au risque de signer lui-même son arrêt de mort. «C’est une question d’équilibre, un mouvement que la nature sait très bien gérer, souligne le chef de secteur. Le cycle proie-prédateur.»
Le gibier disparaîtra
Faux. De même qu’il n’y aura jamais de surpopulation de loups, il restera toujours du gibier. «Les espèces se régulent. Même la paire proie-prédateur.» Si cet équilibre n’existait pas, les prédateurs pourraient théoriquement faire disparaître leurs proies, au risque de disparaître eux-mêmes. Or cela n’arrive pas. Grâce notamment à la sélection naturelle. «C’est ce qui se passe avec les renards, note Marc Mettraux. Les individus les plus forts sont ceux qui survivent et se reproduisent. Les plus faibles attraperont des maladies – la gale et la maladie de Carré en l’occurrence pour les renards.»
Il est dangereux pour l’homme
Faux, en Europe. «Et ce n’est pas de l’utopie ou de l’aveuglement, confie Marc Mettraux. L’homme ne fait pas partie des proies naturelles du loup. Mais, bien sûr, comme n’importe quel animal sauvage, si on l’attaque, il va se défendre. Si on ne l’attaque pas, il n’attaquera pas.» Depuis le retour de Canis lupus dans les Alpes suisses en 1995 et sa recolonisation de territoires à la faveur de textes protecteurs, il n’a fait aucune victime humaine en Europe.
Il en va autrement dans le reste du monde. Deux études publiées en 2002 ont tenté de documenter les attaques du loup. Le premier, le rapport de Mark McNay, concernant le Canada, a reconnu l’existence d’attaques de loups non enragés sur six enfants, cibles plus faciles, entre 1994 et 2000. La seconde enquête, menée par John Linnell sur ces vingt dernières années, dénombre 273 enfants tués en Inde, essentiellement par des loups enragés.
A noter que les attaques de loup ont lieu dans des circonstances particulières, comme le manque de proies ou de milieux naturels. Loin des conditions actuelles en Europe. Et en comparant la fréquence des attaques de loup sur l’homme avec celles d’autres prédateurs, le loup apparaît comme l’une des espèces les moins dangereuses, au regard de ses capacités physiques, d’une part, et de l’évolution de ses effectifs, d’autre part.
Le loup s’attaquera aux bovins
Peut-être. «Le loup s’attaque principalement aux chevreuils, aux chamois, aux sangliers et aux cerfs, quelques fois aux ovins (on estime à plus de 300 le nombre de moutons tués par année en Suisse par le loup, dont une dizaine dans le canton). Mais il se peut qu’un jour il s’en prenne à une génisse. Et là, la pression politique sera autrement plus importante, souligne Marc Mettraux. Parce que l’indemnisation pour un bovin est autrement plus importante que pour un ovin.» Dans les 300 francs en moyenne pour ce dernier, contre environ 1000 francs pour une génisse. Une génisse qui n’aurait pas un futur de grande championne génétique. L’indemnisation est en effet liée à la perte de l’animal mais aussi aux pertes indirectes.
Les services de l’Etat sont trop favorables au loup
«Faux! Nous sommes objectifs, c’est différent. Notre rôle est celui qui est stipulé dans la Loi sur la chasse, à savoir “de conserver et de préserver la diversité des espèces et de promouvoir celle des biotopes des mammifères et des oiseaux indigènes et migrateurs vivant à l’état sauvage; de préserver les espèces animales menacées; de réduire à une proportion supportable les dégâts causés par la faune sauvage aux forêts et aux cultures; de gérer de façon équilibrée, par la chasse, les populations de gibier”. Soit le cerf, le chevreuil et le sanglier. Le loup ne s’attaque pas encore au sanglier ici, mais s’il le faisait, ça nous arrangerait!»
Le sanglier cause en effet d’énormes dégâts dans la Broye et dans l’Intyamon. A l’homme alors de le réguler. Avec le loup, la nature pourrait reprendre ses droits. En Italie, où il est présent depuis toujours, sa proie de prédilection est le sanglier. «Mais le loup ne s’installera sans doute pas dans la Broye, constate le chef de secteur. Il y a trop d’humains. Le lynx d’ailleurs ne s’y plaît pas trop non plus.»
Fribourg, Musée d’histoire naturelle, mercredi 1er mars, 20 h, conférence sur le loup dans le canton, par Elias Pesenti, biologiste et collaborateur scientifique au Service des forêts et de la faune
Commentaires
ouragan (non vérifié)
mar, 28 fév. 2017
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mar, 28 fév. 2017
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mar, 28 fév. 2017
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