////// Avec «Y’en a pas deux comme nous», La Gruyère se penche sur des duos complices.

////// Cinquième volet de cette série d’été avec les anciens hockeyeurs Pascal Schaller et Slava Bykov.

////// Avec Andreï Khomutov, le binôme a fait les belles heures de Gottéron dans les années 1990.
 

GLENN RAY

HOCKEY SUR GLACE. «Alors Slava, tu ne savais plus où se trouvait la patinoire?» se marre Pascal Schaller en accueillant son ancien coéquipier à la BCF Arena. En retard d’une dizaine de minutes, Slava Bykov ne se dégonfle pas: «Je suis venu ici que quelques fois Pascal…» Le ton est donné entre les deux anciens attaquants de Fribourg-Gottéron, dont la complicité est toujours aussi forte près de trente ans après leur dernier match ensemble. «Nous avons noué une amitié sportive, mais aussi humaine», confirment-ils.

Une amitié qui a pris racine en 1990. Tout juste auréolé de son troisième titre de champion du monde avec l’ex-URSS, Slava Bykov débarque à Saint-Léonard avec son compatriote Andreï Khomutov. «Je me souviens les avoir vus jouer lors des mondiaux à Berne, retrace Pascal Schaller. C’était incroyable de se dire qu’ils seraient à Fribourg la saison suivante. J’avais du mal à réaliser jusqu’à ce que le président Jean Martinet ne leur fasse visiter notre vestiaire.»

Encore en couches

A l’arrivée des tsars, le Bullois se fait pourtant une promesse: celle de ne jamais laisser sa place s’il avait un jour la chance de jouer avec eux. Et sa chance a fini par arriver. «Le coach Paul-André Cadieux voulait mettre différents joueurs dans notre ligne, pour qu’on partage notre savoir-faire», précise Slava Bykov. Avant d’ajouter, en rigolant: «Pascal portait encore des couches, mais il avait envie d’apprendre et c’était un bosseur. Il fallait même le freiner.»

«Comme un fou», l’ailier gruérien voit ses élans refroidis par ses compères de ligne russes. «J’avais l’habitude d’un hockey canadien plus direct: dès qu’on passait la ligne rouge, il fallait mettre le puck au fond… A mon retour sur le banc, Slava m’avait engueulé pendant qu’Andreï me tapait sur la tête!» Même traitement lorsque le novice avait le malheur de héler le numéro 90 en plein shift. «Sur la glace, nous étions comme des poissons, image le Marlinois de 65 ans. Crier, c’était donner des informations à l’adversaire.»

Patinage léger

Ces ajustements effectués, Pascal Schaller a franchi un nouveau palier. «Il avait beaucoup de force, mais aussi un patinage léger, ce qui permettait d’économiser de l’énergie et de tenir plus longtemps sur la glace», souligne Slava Bykov. «Mais je tenais quand même vingt ou trente secondes de moins que toi!» souffle son ancien coéquipier. Avant de préciser: «La différence se faisait souvent en fin de présence, quand les défenseurs étaient fatigués.»

Des cerbères qui ne laissaient pas une seconde à l’attaquant russe. Un traitement spécial que la première ligne fribourgeoise a aussi utilisé à son avantage. «Nos adversaires se focalisaient sur Andreï et moi, mais Pascal était tout aussi dangereux et nous avons vite commencé à faire un tabac ensemble.» Trois fois finalistes des play-off de Ligue nationale A entre 1992 et 1994, les Dragons ne valideront jamais l’essai. «Ça m’a fait mal pour Slava. Il a été double médaillé d’or olympique, cinq fois champion du monde et nous n’avons pas réussi à lui offrir un titre en Suisse.»

Grillades et piscine

Amer, Pascal Schaller n’en oublie pas «le contact avec les supporters et les amitiés au sein de l’équipe». Et plus particulièrement avec son coéquipier russe, dont il a été le voisin six mois durant à Marly. «C’est là que nous nous sommes rapprochés: nos enfants jouaient ensemble, nous faisions des grillades dans le jardin de Slava et il me demandait même de s’occuper de sa piscine quand il était en vacances», sourit le Bullois de 54 ans.

Quand sonne l’heure des adieux en 1998, le Gruérien a du mal à l’accepter. «Il avait failli signer pour les Nordiques de Québec quelques années auparavant, mais jamais on ne l’aurait imaginé partir à Lausanne un jour.» Un club au sein duquel Pascal Schaller entraîne aujourd’hui les M18, tandis que Slava Bykov est, lui, de retour à Fribourg comme simple supporter. La boucle est bouclée. 

Patinoire de Davos, décembre 1994

«Tu as choisi celle de la Coupe Spengler, c’est ça?» devine Slava Bykov avant même de voir la photo, datée de décembre 1994. «C’était incroyable de jouer pour Davos sous les ordres d’Arno Del Curto. Le niveau du hockey était très élevé et on avait la responsabilité de représenter Gottéron», poursuit le Marlinois de 65 ans. «La Spengler, c’était du sérieux sur la glace, mais une fête en dehors», se marre son ancien coéquipier Pascal Schaller. Slava Bykov de confirmer, avec un sourire: «Comme nos familles étaient là, l’ambiance était très différente du championnat.» GR

Du tac au tac

La première personne que votre binôme appelait après un match?

Pascal Schaller (P.S.): Sa femme Nadia.
Slava Bykov (S.B.): Il a raison, je téléphonais toujours à mon coach (rires). Toi c’était pareil avec Nathalie.

Son rituel d’avant-match?

S.B.: Il tremblait (Pascal confirme). Il était un peu anxieux et il fallait lui taper sur l’épaule.
P.S: Slava, lui, se changeait en trois minutes. Une fois, on avait sorti le chrono: 2’21, un record (rires)!

La musique qui le motivait?

P.S.: J’ai souvent vu Slava danser la célèbre chanson Kalinka…

S.B.: J’aime bien la musique russe, c’est vrai! Difficile à dire pour Pascal, mais nous avions de bons DJ à l’époque.
P.S.: Entre AC/DC et Texas, il y avait de quoi se motiver.

Son modèle sportif?

S.B.: Je ne saurais pas dire.
P.S.: Pour Slava, ça devait forcément être une légende russe comme Sergei Makarov (Slava confirme).

Sa bête noire?

S.B: Comme moi, je ne crois pas que Pascal en avait une.
P.S.: Non, mais j’ai souvent dû rendre justice à Slava en jetant les gants. Sans citer de nom, j’ai vu des joueurs très méchants avec lui. GR