«La Patrouille, un besoin pour montrer que j’existe encore»

| sam, 19. avr. 2014
Nathalie et Christophe Etienne prendront le départ de la «petite» Patrouille. L’histoire serait anecdotique, si Nathalie ne souffrait pas de fibromyalgie, une maladie du système nerveux. La Glânoise raconte son quotidien: la douleur et l’isolement.

PAR KARINE ALLEMANN

Etonnant de voir à quel point l’amour peut sauter aux yeux. Pendant l’interview dans leur maison du Châtelard, Nathalie et Christophe Etienne n’ont rien fait de spécial. Tendres, confiants, pudiques, leur complicité est pourtant éclatante, comme un cri de bonheur qu’ils ont choisi de hurler face au destin. Un destin cruel pour Nathalie, atteinte de fibromyalgie, une maladie cousine de la sclérose en plaques qui attaque les tendons et tout le système nerveux, provoquant des douleurs à la limite du supportable. Et pourtant, samedi 3 mai à 5 heures du matin, Nathalie Etienne, son époux Christophe et leur ami Nicolas Débieux s’élanceront vers le col de Riedmatten. Six heures plus tard, ils comptent bien rallier l’arrivée à Verbier, pour un moment forcément intense.
«Cette Patrouille, j’en ai besoin. A cause de la maladie, je ne peux plus travailler. Nous sommes souvent obligés d’annuler nos projets, nos vacances et nous avons dû renoncer à avoir des enfants… C’est un rêve que je dois réaliser. Pour montrer que j’existe encore.» Sur le tracé de la Patrouille des glaciers, Nathalie Etienne sait qu’elle va en baver. Mais cette souffrance-là ne lui fait pas peur. «Je suis une tronche. J’ai découvert cette force de caractère avec ma maladie. Une année, j’ai participé à l’Open Bike Haute-Gruyère en VTT et je suis tombée vers Enney. J’ai pleuré jusqu’à Grandvillard et j’ai franchi la ligne d’arrivée en sang. Mais je l’ai franchie.»
Cette force de caractère cache aussi quelque chose de plus latent: la peur. «J’ai besoin de défi, de bouger, d’aller de l’avant. Parce que ma grande peur, c’est que la maladie ga­gne.»
Agée de 38 ans, Nathalie Etienne souffre depuis la fin de l’école secondaire. Les médecins ont pu mettre un nom sur ses douleurs il y a une quinzaine d’années seulement. «J’ai de fortes douleurs dans la nuque et au dos. Mais, le pire, c’est les vertiges et les maux de tête.»
En plus des visites quotidiennes chez un médecin, un physio, un chiropraticien ou un acupuncteur, la jeune femme avale 30 pastilles par jour. «Parfois, j’en ai marre de ces médicaments et j’ai envie de tout arrêter. Mais je ne peux pas. Ils font que ma douleur est gérable, acceptable. Le problème est que ma maladie n’est pas marquée sur mon visage. Par exemple, je faisais partie du chœur mixte et de la fanfare. A cause des douleurs, je manquais souvent les répétitions. Mes absences n’étaient pas toujours comprises. Du coup, j’ai laissé tomber. Quand on renonce à ce genre d’activités, on se retrouve vite isolé. Mon mari me dit souvent que je devrais davantage parler quand ça va mal. Mais, pleurer sur mon sort, ça m’avancerait à quoi?»
Nathalie Etienne n’aime pas se plaindre. Son discours est positif, plein de force et d’espoir. Parce qu’elle témoigne avec sincérité, il est aussi forcément douloureux. «Quand on m’a diagnostiqué ma maladie, ça a été un choc. La vie que tu as prévue, rêvée, c’est fini. Que ce soit professionnellement ou sur le plan familial, toutes les perspectives se ferment devant toi. A cause des médicaments, je ne peux pas être enceinte. Voir ma petite sœur devenir maman a été difficile.»


«D’autres seraient partis au pas de course»
Elle jette un regard vers les nombreuses photos affichées aux murs: «Maintenant, j’ai deux neveux, deux nièces et un cinquième est en route. Ce sont mes rayons de soleil que j’emporte avec moi en montagne. Mon frère et ma sœur m’associent à chaque fête de famille, j’ai beaucoup de chance. Et puis, heureusement que je suis tombée sur quelqu’un comme Christophe. Il m’a épaulée alors que d’autres seraient partis au pas de course.»
Leur première rencontre date de 2001. Ce fut ce qu’il convient d’appeler un coup de foudre. «J’étais responsable du bureau de poste de Sorens et j’ai dû livrer un paquet dans l’entreprise de son père, où il travaillait. Il a ouvert la porte et on est restés scotchés. On se regardait sans bouger, j’ai oublié que je devais lui donner un paquet. Quand on y pense, ce devait être assez comique...» Petit coup d’œil et sourires entre les époux.
Nathalie et Christophe se sont mariés en 2003. Si la jeune femme a dû faire le deuil de bien des projets, elle a, malgré elle, entraîné son mari dans une vie que ni l’un ni l’autre n’ont choisi. «Combien de fois je lui ai dit: “Pars! Va vivre ta vie!” Mais il a tellement de cœur, il se fait tellement de souci pour moi.»
A chaque fois qu’il est interpellé, Christophe ose un timide: «Quand on aime une personne…»  Au fil de l’entretien, le gendarme admettra aussi ses coups de blues. Et ses colères. «C’est dur de voir l’autre souffrir. J’ai envie de me rebeller contre cette satanée maladie. Sauf que je ne peux rien faire. Alors, j’essaie d’aider comme je peux. Mais avec la tronche qu’elle a, c’est elle qui me tire en avant.»
La fibromyalgie n’est pas dégénérescente. «Contrairement à la sclérose en plaque, elle n’attaque pas les organes vitaux. Je ne vais pas en mourir. Mais je n’en guérirai jamais non plus. Depuis que je l’ai acceptée, la maladie s’est stabilisée. Mon vœu est de pouvoir la vivre le mieux possible au quotidien.»
Pour ses 40 ans, l’été prochain, Nathalie a envie de faire la Haute Route. «La montagne, c’est tellement beau. Je peux y vivre mes rêves les yeux ouverts.»

 

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Des chaussures et des gants chauffants


L’idée de participer à la Patrouille des glaciers est de Christophe. Qui a été très clair. «Il m’a dit: “Si je la fais, c’est avec toi”.» Nathalie et Christophe Etienne seront accompagnés d’un collègue gendarme, Nicolas Débieux. «Il est parfait! On s’entend superbien et il a toujours le mot pour rire.»
En découvrant le quotidien de la jeune femme, une question s’impose: comment peut-elle participer à une course aussi éprouvante? «Ma boîte de contre-­douleur et d’antiinflammatoire me suivra partout. Ce qui me motive aussi, c’est que des amis seront placés sur le parcours avec ce qu’il me faut en cas de problème. Et puis, on a adapté un peu le matériel.»
Son grand problème reste le froid. «Un magasin à Bulle m’a fabriqué des chaussures super légères, avec un système chauffant. Et puis, j’ai des gants chauffants également, qui fonctionnent avec un accu. Les gens me regardent bizarrement quand ils me croisent.» Pour se préparer, la Glânoise s’entraîne davantage que ses compagnons et ne se ménage pas. «Je suis toujours déçue de moi. J’ai l’impression de ne pas mériter ma veste de la Patrouille, parce que les autres avancent beaucoup plus vite. Et quand je rentre d’un entraînement, je dors tout l’après-midi tellement je suis fatiguée. Le lendemain, j’ai l’impression d’avoir 80 ans.»
Que pensent ses médecins de son idée folle? «Ils m’ont dit que c’est la plus belle chose que je pouvais faire! Mais que je devais écouter mon corps.» Et Christophe de souligner: «Cet entraînement lui permet de lutter contre une certaine dégénérescence musculaire. Et puis, c’est bon pour la tête.»


«Verbier, j’y serai»
Après une participation probante au Défi des Faverges – six heures de course environ – le trio se sent bien préparé pour l’échéance. En espérant qu’aucun pépin ne vienne perturber la première ascension vers le col de Riedmatten, déjà effectuée à plusieurs reprises. Car avec des temps de passage fixés par les organisateurs, gare aux retardataires. «Si on devait arrêter à cause de ça, ce serait terrible.» Nathalie craint plutôt le manque de sommeil la nuit précédant le départ. «Il y a un contrôle de matériel à 22 h, puis nous partirons à 5 h. Je ne sais pas comment mon corps va réagir à ça. Mais, ce qui me fait vraiment peur, c’est que la course soit annulée. Parce qu’il y a quand même eu beaucoup de souffrance. Je n’ose même pas y penser.»
Alors Nathalie et Christophe Etienne préfèrent penser à ce qu’ils ressentiront au moment de franchir la ligne d’arrivée à Verbier. «Ce dont je me réjouis le plus, c’est l’arrivée au sommet de la Rosablanche. Je sais que ma cousine m’attendra là-haut. Ça va me pousser.» Nathalie sourit encore: «Cette Patrouille, c’est vraiment un rêve. Je regardais l’arrivée à la télévision et jamais je n’aurais pensé pouvoir y participer. Si j’arrive à Verbier, ça va être un moment très fort. Mais j’y serai! Nous y serons.» KA

Commentaires

Un énorme MERCI à toutes les personnes qui m'ont soutenues et encouragées ! Ca fait tellement chaud au cœur que tous vos messages m'ont portés dans cette magnifique aventure qu'est la Patrouille des glaciers. Mon rêve s'est réalisé et je souhaite du plus profond de mon cœur que des personnes qui souffrent et qui se battent contre la maladie trouve cette force pour vaincre leur maladie, vaincre le quotidien, vaincre leur souffrance et qu'ils trouvent ce rayon de soleil dans leur vie que j'ai trouvé le mien dans cette aventure extraordinaire! MERCI DU FOND DU COEUR ;-)
Un immense BRAVO à tous les trois, mais surtout à Nathalie! J'ai suivi votre course sur internet et vous l'avez fait! C'est juste magnifique, grandiose... Quel cran, quelle volonté, quelle détermination. Quel pied-de-nez à la maladie. Bonne chance et beaucoup de bonheur dans la vie... vous le méritez!
Hello vous deux, de tout cœur je vous souhaite de réussir dans cette incroyable aventure, surtout bon courage. Respect.

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