Selon des témoignages, plusieurs dizaines de personnes ont été licenciées ces deux dernières années au sein de l’Institut de Glion. Confrontations avec la direction, baisse de la qualité de l’enseignement: des anciens collaborateurs donnent leur version. De son côté, l’Institut nie ces accusations.
PAR VALENTIN CASTELLA
«Tout le monde est dégoûté et choqué, mais personne n’ose rien dire, de peur d’être le suivant sur la liste.» Un ancien collaborateur de l’Institut de hautes études de Glion dévoile ce qui se passe actuellement selon lui dans les murs de l’école privée basée à Montreux, Bulle et Londres. Plusieurs témoignages d’anciens employés, récoltés sous le couvert de l’anonymat, mettent également en exergue un bal incessant d’arrivées et de départs. En deux ans, plusieurs dizaines de personnes ont été licenciées, selon eux.
Cette série a commencé au début de l’année 2016, d’après un employé licencié. «Même si des mouvements avaient déjà eu lieu auparavant.» A cette époque, l’institut fondé en 1962 était en mains américaines, sous la bannière de l’entreprise Laureate Education. «Un CEO est arrivé d’Australie à la fin de l’année 2015, explique-t-il. Au début, son discours était optimiste. Mais personne n’y croyait. Finalement, son travail a consisté en la mise en place d’une restructuration. Beaucoup de personnes ont été remerciées sur les deux sites suisses.» Un témoin de l’époque précise: «L’objectif de ce “nettoyeur” était d’améliorer les chiffres avant la vente aux Français.»
Ces Français, ce sont les membres de la société d’investissement Eurazeo (notamment actionnaire majoritaire ou de référence de Desigual, Europcar et Foncia), qui ont racheté Glion en mars 2016 pour une somme de 220 millions. Un montant qui englobe également l’acquisition de l’école valaisanne des Roches.
«C’est la peur qui règne»
La prise de pouvoir de la nouvelle gouvernance (le groupe Sommet Education, qui fait partie d’Eurazeo, gère tous les sites estampillés Glion) n’a, selon plusieurs témoignages, pas freiné les départs forcés. «Depuis l’arrivée du nouveau propriétaire, c’est la peur qui règne, se souvient un ex-collaborateur. Tout le monde se retrouve sur un siège éjectable.» «L’ambiance? C’était un mélange de crainte et de confrontation entre le management et la faculté, continue un autre ancien employé. Il paraît même que j’ai eu de la chance d’être licencié tant l’atmosphère est toujours aussi mauvaise, selon certains qui travaillent encore là-bas.» Un de ses collègues de l’époque confirme «des relations tendues avec la direction, en raison d’un manque de communication».
Dix minutes pour partir
Pour ce qui est des motifs de licenciement, un argument est fréquemment utilisé: «Dans la plupart des cas, on parle de restructuration, enrage un témoin. La direction ne donne pas d’autre explication. Les personnes concernées ont dix minutes pour vider leur bureau et partir, avant que leur messagerie électronique et leur badge ne soient bloqués.» «Personnellement, je m’attendais à ce qu’on parle de mon avenir au sein de l’institut, se souvient un ancien collaborateur. Puis, je suis entré dans la salle et j’ai vu la responsable des RH. J’ai vite compris. On m’a prié de partir, car le nombre d’étudiants était en baisse. A mon avis, il s’agissait d’une excuse.»
Ces nombreux changements auraient aussi une influence sur la qualité de l’enseignement: «Des professeurs ayant dû s’en aller, ceux qui restaient ont été contraints de donner des cours qu’ils n’avaient jamais enseignés jusque-là», constate un ex-employé. Un propos confirmé par une autre source: «Il est vrai que, parfois durant tout un semestre, certains professeurs ne bénéficiaient d’aucune expérience dans le domaine qu’ils enseignaient. Ce qui n’est pas correct par rapport aux étudiants, qui investissent beaucoup d’argent pour suivre les cours (n.d.l.r.: un semestre à Bulle coûte au minimum 38 450 francs).»
Ce qui énerve un employé licencié cette année, c’est que tous ces mouvements au sein de l’école privée ne sont pas uniquement dus à une raison financière, «puisque d’autres sont engagés pour nous remplacer, avec des salaires identiques ou plus élevés». Donc un bal d’arrivées et de départs semble se dérouler depuis plusieurs années. «A la rentrée d’un semestre, on ne savait pas avec qui on allait travailler, tellement il y avait de changements», ironise une autre personne qui ne se trouve plus dans les murs de l’école.
Cette situation aurait une répercussion sur les étudiants (ils sont 1650 au total, dont 700 à Bulle). «Ils se posent des questions en voyant toutes ces personnes s’en aller. Il y a eu tellement de changements au niveau du planning des cours qu’ils en ont marre. Certains sont mécontents. D’autres sont partis.»
La plupart des témoins interrogés ont quitté Glion avec un immense sentiment de frustration, ne comprenant pas pourquoi ils avaient été virés. Si certains disent toutefois avoir «beaucoup appris», ils n’envisagent pas l’avenir de l’institution avec sérénité: «Il s’agit d’une école privée qui doit faire du profit, conclut une source. Si sa politique ne change pas, elle continuera d’être achetée et vendue comme de la marchandise.» ■
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«Il ne faut pas se baser sur des rumeurs»
Face aux plaintes et aux récits d’anciens employés, l’Institut de hautes études de Glion présente, par la voix de sa porte-parole Alexia Lepage (photo), une version différente voire opposée de la situation.
Un ancien collaborateur dit que des «vagues de licenciements» se sont produites. Il a estimé qu’entre 60 et 80 personnes avaient été remerciées lors des deux dernières années. Confirmez-vous cette estimation?
Alexia Lepage. Des mouvements ont été enregistrés l’année dernière lorsque l’entreprise américaine Laureate Education a vendu les écoles à la société d’investissement Eurazeo. Ces départs étaient liés à la vie classique d’une entreprise. Certains sont partis par envie, d’autres parce qu’ils n’adhéraient plus au projet.
En janvier, une nouvelle équipe de management a été mise en place. Depuis, une stratégie basée sur l’investissement a été échafaudée. Nous avons accueilli seize collaborateurs supplémentaires entre septembre 2016 et aujourd’hui. Treize ont été engagés à partir de janvier 2017 et une quinzaine de postes sont à pourvoir d’ici décembre.
Nous sommes donc bien loin d’une vague de licenciements. La tendance est à l’investissement.
Il n’y a donc pas eu de licenciements?
Je ne peux pas nier qu’il y a eu des départs. Je ne confirme juste pas l’expression «vagues de licenciements».
Plusieurs dizaines de personnes n’ont-elles pas été forcées de s’en aller ces derniers mois?
Je ne peux pas confirmer ces chiffres et je ne vais pas parler des choses qui se sont déroulées par le passé. Dans toute construction de nouveaux groupes, certains adhèrent au projet, d’autres pas. C’est naturel. Il faut faire attention à ne pas faire de quelques cas une généralité.
Certains affirment qu’en raison de nombreux changements au sein de vos effectifs, la qualité de l’enseignement a baissé et que le nombre d’étudiants s’effrite…
Il ne faut pas se baser sur des rumeurs. Le nombre d’étudiants est en hausse.
De plus, de nombreux changements au niveau de l’offre académique ont été effectués et nous avons renforcé le corps professoral, grâce à des personnes bénéficiant de spécialisations pointues dans l’hôtellerie, le luxe et la finance. Quatre meilleurs ouvriers de France nous ont par exemple rejoints cet été. Des rénovations importantes ont été effectuées cette année et sont également en cours sur notre campus principal de Glion. Il s’agit d’un nouveau restaurant gastronomique, de nouveaux équipements pour les ateliers pâtisserie et œnologie et des rénovations de chambres. Nous faisons beaucoup de choses positives pour les étudiants et la région. L’école investit beaucoup et il serait aussi intéressant de le souligner. VAC
Commentaires
Marc (non vérifié)
sam, 15 Jan. 2022
Mr XX (non vérifié)
mer, 15 nov. 2017
Insider (non vérifié)
jeu, 09 nov. 2017
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mer, 08 nov. 2017
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dim, 12 nov. 2017
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mar, 07 nov. 2017
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ven, 03 nov. 2017
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ven, 03 nov. 2017
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jeu, 02 nov. 2017
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jeu, 09 nov. 2017
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jeu, 09 nov. 2017
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mar, 31 oct. 2017
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jeu, 26 oct. 2017
Alice (non vérifié)
mar, 31 oct. 2017
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